Comme souvent, les débats les plus bruyants et les plus médiatisés peuvent en cacher d’autres, selon moi plus pertinents. C’est en tout cas la réflexion
que m’inspire le déchainement de passions causé par l’affrontement droite-gauche sur le thème de l’obstruction parlementaire et du droit d’amendement.
Que N. Sarkozy souhaite réduire le poids tous les contre pouvoirs de la République (Parlement, justice, médias….), qu’il s’efforce d’en limiter l’expression et l’action, pour éviter qu’ils contestent, même faiblement, ses décisions ou par crainte qu’ils en retardent l’effet, c'est une évidence. Ceux qui s’intéressent au fonctionnement de nos institutions savent que leur déséquilibre flagrant, inscrit dans la Constitution même de la Vème République, est accentué par la présence à l’Elysée d’un président, non seulement omniprésent, mais qui soumet ces contre pouvoirs à une volonté de type monarchique. Il est donc normal que tous ceux qui sont justement attachés à un fonctionnement équilibré de la démocratie se battent contre cette dérive.
Par contre, je trouve pour le moins curieux que la principale cause de la faiblesse du Parlement ne donne
pas lieu à un débat aussi passionné et aux mêmes indignations. Je veux parler de l’absentéisme parlementaire.
Je sais bien le travail important fait en commission, je sais avec quelle facilité l’hémicycle se remplit lorsque la télévision filme les débats, mais je sais aussi
de quelle façon des débats importants se déroulent devant quelques parlementaires, au prétexte que ceux qui ne sont pas là ont « mieux à faire » dans leur ville, leur conseil général ou
leur conseil régional.....
Outre que cette image nuit à la crédibilité du Parlement, elle est la preuve évidente que l’institution parlementaire elle-même a reconnu sa propre faiblesse et
qu’elle s’en accommode !
Chacun le sait, la cause principale de cet affaiblissement du Parlement est le cumul des mandats*. Cette « particularité » française s’est accentuée sous la Vème République : en 1936, environ 33% des députés exerçaient un mandat local ; sous la IVème République, ce chiffre est monté à 40% ; il a dépassé aujourd’hui 90% ! Malgré quelques modestes limitations apportées aux plus gros cumuls depuis une vingtaine d’années, la situation actuelle demeure difficilement défendable dans une démocratie digne de ce nom.
Dommage que trop d’intérêts communs aux députés et aux sénateurs, de droite comme de gauche, empêchent que ce vrai débat ait lieu. Si l’on veut vraiment (pas seulement dans les discours et les motions de congrès !) revaloriser le travail et la fonction des parlementaires, si l'on veut donner plus de poids au Parlement, la seule voie efficace est celle du « mandat unique », rendant impossible le cumul entre mandat national et mandat local.
J’espère que le Parti socialiste et la gauche défendront cette mesure avec la même passion que celle qu’ils mettent à défendre le droit d’amendement.