Tribune également publiée sur le site de MEDIAPART
La cause est entendue : sauf surprise, très improbable, la gauche sera
majoritaire à l’Assemblée Nationale dans une semaine et c’est tant mieux. Le changement promis par François Hollande et espéré par les Français ne pourrait pas se réaliser sans une
majorité parlementaire claire et cohérente.
Par contre, le désintérêt des Français à l'égard ce scrutin est très inquiétant.
Il montre en effet que l’électorat ne comprend plus l’enjeu des élections législatives….mais ce n’est pas de sa faute. L’origine de ce désamour me semble se trouver dans deux
dysfonctionnements de nos institutions.
D’abord dans une dérive du système de la Vème République, qui confère de plus en plus de
poids au monarque républicain qu’est devenu le Président. Entendons- nous bien, le phénomène n’est pas nouveau, mais l’instauration du quinquennat et l’automaticité du calendrier
électoral[1]décidés par
Lionel Jospin en 2000 ont accentué cette dérive. La pratique de Nicolas Sarkozy pendant 5 ans a un peu plus ancré dans les esprits l’idée que la seule élection qui compte est celle du Président,
dépositaire de presque tous les pouvoirs. A quoi bon alors se mobiliser pour choisir des députés, dont ne voit pas très clairement à quoi ils servent ?
Et c’est ici précisément que se trouve la seconde raison de ce désamour des Français, qui s’est manifesté par la non participation au scrutin d’hier de près de 20 millions d’entre eux[2]. Ils ont en effet une image assez
négative du Parlement. Non seulement le rôle de celui-ci est dévalorisé par nos institutions, mais son image elle-même est dégradée par des pratiques qu’on classe sous le
vocable pudique d’ « exception française ».
Je veux parler de l’absurde cumul des mandats, principale cause de
l’affaiblissement du Parlement et qui s’est accentuée sous la Vème République. En 1936, environ 33% des députés exerçaient un mandat local ; sous la IVème République, ce chiffre est monté à 40% ;
il est maintenant de l'ordre de 90% ! Malgré quelques modestes limitations apportées aux plus gros cumuls depuis une vingtaine d’années, la situation actuelle demeure difficilement défendable
dans une démocratie digne de ce nom.
L’absentéisme qu’elle engendre prend parfois des aspects spectaculaires.
C’est ainsi que je m’indignais le 15 janvier 2009 de voir que plus de 500 députés avaient
« séché » le débat sur l’intervention israélienne à Gaza, alors que l’opinion du monde entier et les médias s’inquiétaient de la montée des passions à la suite de ces affrontements
sanglants. Il y a 2 ans, je m’étonnais aussi que seule une petite vingtaine de députés ait été
présente en séance le 3 mai 2010 pour s’intéresser au débat, suivi d’un vote, concernant sur un prêt à la Grèce, dont la situation devenait pourtant inquiétante pour le peuple grec et menaçante
pour l’Union Européenne.
La seule voie efficace pour sortie d’une situation qui porte tort, non seulement à
l’image du Parlement, mais aussi à l’efficacité du travail législatif est celle du « mandat unique ». Il faut rendre impossible le cumul entre
mandat national et mandat local, comme cela existe dans la plupart des grandes démocraties. C’est ce que je propose
depuis des années ….sans grand succès jusqu’ici, probablement parce que les parlementaires, une fois élus, semblent s’accommoder de cette situation.
Sur ces deux points –le rééquilibrage des institutions et le fonctionnement du Parlement- je souhaite
que François Hollande et le gouvernement fassent preuve de courage et de détermination, en prenant des mesures fortes. Sinon, c’est la démocratie elle-même qui risque d’être
fragilisée.
[1] Décision que j’avais
été un des rares à critiquer à cette époque.
[2] Ce
chiffre représente 10 millions d’abstentionnistes de plus qu’au 1er tour de la dernière élection présidentielle !