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Le blog de Paul Quilès

Réflexions et informations sur la paix et le désarmement nucléaire, sur la démocratie et sur l'actualité politique.

Moyen Orient: une occasion manquée

Publié le 9 Décembre 2012 par Paul Quilès in Désarmement nucléaire

 

La paix au Moyen Orient
passe aussi par le désarmement nucléaire 

 

par Paul Quilès* et Bernard Norlain**


(Tribune publiée par Le Figaro du 11 décembre 2012)

 

Dans une terrible indifférence, la conférence sur la création d’une
« zone exempte d’armes nucléaires » au Moyen Orient,
qui devait se tenir à Helsinki à la fin de l’année,
vient d’être annulée et reportée sine die par les États-Unis.
C’était pourtant là une occasion forte d’aider à la recherche de la paix
et de la stabilité de la région.

 

       En 2010, la Conférence des États parties du TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires) avait prévu d’organiser en 2012 un sommet où devaient se rencontrer l’ensemble des pays du Moyen Orient. L’enjeu, visionnaire et pragmatique, était d’établir une zone libre de toute arme nucléaire dans la région, comme il en existe déjà en Afrique, en Asie centrale, en Amérique latine ou encore en Asie du sud-est.

 

       Soutenue par les Nations unies et l’Agence internationale à l’énergie atomique, un tel processus visait à mettre autour d’une même table les pays arabes, Israël et l’Iran et à faire usage de la diplomatie pour trouver des réponses à la question particulièrement sensible du nucléaire militaire dans la région.

 

         L’argumentation développée par les Américains pour annuler cette conférence, qui n’a fait l’objet d’aucun commentaire significatif, paraît tout à fait aberrante : les conditions de stabilité régionale ne seraient pas suffisantes. Or, la conférence prévue à Helsinki devait précisément être un moyen pour contribuer à la stabilité régionale ; elle devait en être le vecteur et non la conséquence. Dans une région chroniquement instable, il est absurde de poser la stabilité comme précondition, sauf, bien entendu, si l’on ne souhaite pas favoriser la diplomatie dans ce domaine.

 

       Helsinki, où est né l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) pendant la Guerre froide, devait être un nouveau symbole de dialogue entre pays ennemis, afin de favoriser la coopération plutôt que la confrontation et de contrer la fuite en avant d’un autre âge que constitue la course aux armements nucléaires.

 

       Au Moyen Orient, en proie aux appétits de domination régionale, la question est des plus urgentes. Le développement nucléaire iranien continue de tendre les relations entre les acteurs régionaux. Le principal dirigeant israélien, dont la majorité pourrait être reconduite en janvier 2013, continue à parler de frappe aérienne contre l’Iran et certains pays arabes, Arabie saoudite en tête, n’excluent pas de développer leurs propres programmes nucléaires militaires pour contrer Téhéran.

 

      Bien sûr, il n’est pas évident d’imaginer les représentants d’Israël et de l’Iran autour d’une même table : un État qui ne reconnait pas disposer d’un arsenal nucléaire et un autre qui réfute sa tentative d’en constituer un. C’est pourtant le moment de se souvenir de la fameuse phrase de Sénèque : "Ce n'est pas parce que c'est difficile que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas que c'est difficile " !

 

      La voie d’une nucléarisation militaire régionale serait désastreuse et celle d’une attaque israélienne tout à fait hasardeuse. La diplomatie entre les différentes parties devrait impérativement prévaloir sur ces deux dangereuses perspectives. L’annulation de la conférence d’Helsinki est une terrible occasion manquée, qui pourrait être lourde de conséquences pour l’avenir de la région.

 

     Inquiet de ces développements, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, a appelé à la tenue du sommet début 2013. Mais il est à craindre que les agendas des uns et des autres ne coïncident pas avec sa proposition et qu’elle ne devienne qu’un vœu pieu. Pourtant, plus qu’une nécessité, cette conférence est indispensable pour éviter de nouvelles confrontations militaires ou l’établissement de puissances nucléaires dans la région la plus instable de la planète. La France et l’Europe s’honoreraient en exigeant sa tenue dans les plus brefs délais.  

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* Paul Quilès a été ministre de la défense et président de la Commission de la défense de l’Assemblée nationale.

**Bernard Norlain est général (en retraite) de l’Armée de l’air. Il a été commandant de la Force aérienne de combat.

Tous deux sont signataires de l’appel de « Global Zero » pour un désarmement nucléaire multilatéral.

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