La situation en Catalogne et en Espagne est suffisamment grave pour qu'on ne se limite pas à des analyses simplistes et à des jugements hâtifs, comme on le constate trop souvent depuis quelques jours.
C'est tout l'intérêt de ce texte très pertinent de Christian Piquet, qui permet de comprendre les origines de la crise et trace des pistes pour une solution politique.
Démocratie et paix en Catalogne et en
Espagne : un enjeu pour l'Europe
Plus personne ne peut douter que la crise, rebondissant en permanence de l’autre côté des Pyrénées, entre dans un moment d’une extrême dangerosité. Elle n’est d’ailleurs plus simplement catalane ou espagnole, elle revêt une dimension proprement européenne. D’évidence, plusieurs facteurs ont contribué à la montée paroxystique des enchères, depuis le référendum du 1° octobre jusqu’à la décision de Mariano Rajoy, avalisée par le Sénat espagnol ce 27 octobre, de recourir à l’article 155 de la Constitution de l’État central afin de suspendre l’essentiel des pouvoirs de la Generalitat de Barcelone et de destituer ses principaux responsables. La proclamation de l’indépendance de la Catalogne par son Parlement autonome en devenait, dans la foulée, inévitable. Tous les ingrédients sont maintenant réunis d’une épreuve de force aux développements imprévisibles.
À l’origine de ces événements, il y a bien sûr le fait national catalan. Il est aussi incontestable qu’incontournable, quoi qu’il se fût, depuis les XII° et XIII° siècles, imbriqué avec le tortueux processus de formation de l’unité espagnole. Avec sa langue, sa culture propre, une longue pratique institutionnelle lui ayant conféré sa spécificité, il a été partie prenante de l’unification des provinces ibériques des origines, en même temps qu’expression d’intérêts particuliers, économiques notamment, l’ayant régulièrement placé en confrontation avec Madrid. Jusqu’à ce que, dès le début du XX° siècle, le catalanisme se fît mouvement politique et culturel moderne.
En quelques sept siècles, il ne fut pourtant jamais apporté la moindre réponse durable à cette réalité. Ni par les souverains castillans, ni par les brefs épisodes républicains contemporains, ni évidemment par Franco qui l’écrasa sous le talon de fer de son interminable dictature, ni par les pouvoirs démocratiques s’inscrivant dans le régime de monarchie constitutionnelle en place depuis la fin des années 1970. Il suffit, pour approcher la réalité d’une Catalogne toujours rebelle aux tutelles que l’on veut lui imposer, et qui donna des traits si particuliers à son mouvement ouvrier, de se reporter aux belles pages que George Orwell lui consacra, en relatant son engagement de 1937 dans les milices du Parti ouvrier d’unification marxiste (d’inspiration « trotskyste ») et dans celles des anarcho-syndicalistes de la Confédération nationale du travail contre le putsch franquiste (in Hommage à la Catalogne, 10/18 2000).
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