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Le blog de Paul Quilès

Réflexions et informations sur la paix et le désarmement nucléaire, sur la démocratie et sur l'actualité politique.

Renouveler la politique étrangère de la France

Publié le 1 Mars 2016 par Paul Quilès in International et défense

 Renouveler la politique étrangère de la France

Tribune de Paul Quilès publiée par l'Humanité du 1er mars 2016

sous le titre "Nous entrons dans une période nouvelle"

 

 

      Comme ses prédécesseurs, François Hollande s’est engagé à suivre une politique étrangère de paix en mettant l’accent sur le développement durable et la sécurité, qui sont deux des principales conditions structurelles de la paix.

 

     En septembre 2015, il a ainsi annoncé à la tribune de l’ONU une augmentation de l’aide française au développement de 4 milliards d’euros en 2020. En décembre 2015, le Sommet de Paris a posé les bases d’une action solidaire pour combattre le dérèglement climatique, nouvelle et grave menace pour la sécurité internationale.

 

      La France a par ailleurs conduit avec succès des actions militaires de stabilisation en Afrique ; elle joue un rôle important dans l’endiguement du terrorisme au Sahel et contribue à la lutte contre le prétendu « État islamique ». En Europe, François Hollande a su mettre en place un cadre adapté* pour le règlement de la crise ukrainienne, qui réunit les chefs des exécutifs français, allemand, ukrainien et russe. Ce cadre de négociation a permis la conclusion en février 2015 des accords de Minsk II, qui offrent la seule perspective juste et réaliste de retour à la paix (autonomie des régions d’Ukraine de l’Est, contre un rétablissement plein et entier de la souveraineté ukrainienne).

 

      Si l’on excepte le succès récent de la COP 21, la diplomatie française manque de visibilité, son message de paix est peu ou mal entendu.

 

      Pour surmonter cette relative marginalisation, il paraît nécessaire d’opter résolument pour une « diplomatie de mouvement ». D’abord en prenant acte, au-delà même du terrain économique, de la réintégration de l’Iran dans la communauté des nations, dès lors qu’il respecte ses engagements. De même, pourquoi n’envisager aucune évolution dans notre rapport à la Russie, au moment où les blocages dans l’application de Minsk II se font surtout sentir du côté ukrainien ? Enfin est-il réaliste de persister à demander le départ immédiat d’Assad au lieu d’envisager son éloignement comme le résultat d’un processus politique inclusif, dans le cadre d’un retour progressif à la stabilité** ? Dans cette crise également, une relation plus confiante avec la Russie renforcerait les chances de la paix.

 

      Notre politique étrangère ne peut pas se résumer aux consensus élaborés au sein de la communauté euro-atlantique ou de l’Union européenne. La France doit  savoir faire entendre une voix spécifique au service de la paix. Elle a parfois eu tendance à affirmer sa singularité dans la surenchère, comme on l’a vu à propos du programme nucléaire iranien ou de la riposte aux crimes d’Assad. Elle pourrait le faire de manière plus constructive, par exemple pour la reconnaissance de la Palestine comme État ou pour la construction d’une nouvelle architecture de sécurité européenne.

 

      Enfin, la France doit savoir définitivement s’affranchir des postures du passé. La stratégie de dissuasion ne peut plus être l’alpha et l’oméga de sa sécurité. Après l’échec inquiétant de la dernière conférence d’examen du TNP, elle devrait adresser au monde un message de désarmement. François Hollande a annoncé vouloir enfin relancer les négociations pour un traité d’interdiction des matières fissiles à usage militaire. Il a présenté un projet de traité à cet effet. Pourquoi ne pas avoir imaginé d’autres actions dans le prolongement de cette démarche, comme un moratoire sur les modernisations d’armes nucléaires ?

 

     Nous entrons dans une période nouvelle, bien différente de celle de l’immédiat après-Guerre froide. Le terrorisme, la multiplication des États en crise, les conduites agressives, les tentations de prolifération, l’insuffisance manifeste des organisations internationales font naître de nouveaux dangers. La politique étrangère doit se renouveler profondément pour y faire face.

 

Paul Quilès

Ancien ministre de la défense

Ancien président de la Commission de la défense de l’Assemblée Nationale

Président d’IDN

 

 

* Ce cadre de négociation est connu sous le nom de « format Normandie »

 

** Selon les termes du « groupe d’action sur la Syrie », réuni à Genève en juin 2012, sous l’égide de l’ONU.

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S
Propositions concrètes pour sortir d'une politique étrangère inadaptée pour faire progresser la Paix en Syrie...Très bonne analyse j'ai publiée cette Tribune sur mon Facebook!
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