Parmi les nombreux sujets de préoccupation liés à la situation internationale (Syrie, Iran, Soudan, Corée du Nord….), ce qui se passe au Mali ne semble pas passionner l’opinion française. Et pourtant, les risques sont grands, suite au putsch militaire contre le président Touré, qui a provoqué l’effondrement politique du pays, sa division en deux parties et une grande liberté d’action pour les groupes islamistes.
Malgré les efforts de la CEDEAO[1], qui ont permis le rétablissement d’un précaire pouvoir civil dans le sud, on est loin d’un retour à la normale. Seule une mobilisation internationale forte, rapide et coordonnée peut permettre à la région de retrouver une stabilité régionale déjà bien érodée.
Un putsch aux conséquences lourdes
Le 22 mars dernier, un groupe de militaire dirigé par le capitaine Sanogo prenait le pouvoir à Bamako. Selon ce dernier, le putsch avait pour but de préserver l’intégrité territoriale du pays, menacée par la rébellion touareg.
Son effet fut parfaitement contraire : en moins de deux semaines, les forces du MNLA[2] se sont emparées de la moitié nord du pays.
Sur ce territoire, sont alors rapidement sortis au grand jour des groupes islamistes radicaux liés à Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et concurrents du MNLA. Un de ces groupes, Ansar dine, contrôle ainsi Tombouctou, où il recruterait des combattants ; un deuxième, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), a pris en otage sept diplomates algériens.
Une situation instable
Au sud, le pouvoir confisqué par les putschistes a été redonné aux autorités civiles sous la pression de la CEDEAO. L’ancien président Touré ayant démissionné, le pouvoir a été confié au président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, investi président vendredi dernier. L’accord prévoit que le futur premier ministre aura les pleins pouvoirs pour composer avec les différents mouvements armés.
Au nord, le MNLA s’est arrêté de son propre chef aux portes de Mopti, au centre du pays. Il tente probablement de contrôler désormais le territoire conquis, disputé par les groupes islamistes. Au-delà d’AQMI, d’Ansar dine et du Mujao, on parle aussi de la présence du groupe Boko haram, connu pour ses attentats antichrétiens dans le nord du Nigéria, à plus de 1500 km de là.
Des risques majeurs pour la région
Si aucune issue n’est trouvée à la partition actuelle du pays, les touaregs du MNLA tenteront sûrement de conserver leur territoire, déclaré indépendant sous le nom d’Azawad. Une force militaire de la CEDEAO est à l’étude ; elle aurait pour but de rétablir l’autorité de l’État malien dans le nord du pays, ce qui sera d’autant plus difficile sans légitimité électorale. Une tentative de conquête du sud du Mali par le MNLA ou un autre putsch militaire, même si ces hypothèses sont moins probables, ne sont pas à exclure.
Au-delà des frontières maliennes, le risque est grand de voir s’établir un vaste sanctuaire pour les groupes islamistes radicaux s’étendant de la Mauritanie au Nigéria. AQMI a fait école et les groupes qui lui sont affiliés, implantés localement, sont autant de risques de déstabilisation pour les pays ouest-africains, d’autant plus que les capacités militaires comme la légitimité démocratique de nombreux gouvernements de la région sont limitées.
Quelle action internationale est possible ?
Si le Mali s’effondrait et avec lui la région ouest-africaine, les conséquences seraient catastrophiques pour les populations africaines. Devant un tel risque, la mobilisation internationale doit être forte et coordonnée.
Un accord doit impérativement être trouvé entre le nouveau pouvoir civil et le MNLA. Cet accord pourrait prévoir à la fois un calendrier électoral national et un calendrier référendaire d’autonomisation du nord. Afin de garantir la mise en place de cet accord, le Conseil de sécurité de l’ONU devrait appuyer la constitution d’une force militaire régionale. Cette force, contrôlée par la CEDEAO ou l’Union africaine, aurait pour mission de rétablir le Mali dans ses frontières et d’empêcher le développement de groupes islamistes radicaux, locaux ou internationalistes.
La France s’honorerait à favoriser toute action allant dans ce sens. Elle pourrait ainsi organiser à Paris une conférence d’entente entre les autorités civiles de Bamako et le MNLA, proposer un texte au Conseil de sécurité invitant au déploiement d’une force militaire de la CEDEAO et soutenir ces deux initiatives dans un cadre diplomatique multilatéral.
Le temps presse, car la situation actuelle profite à toutes les forces de déstabilisation
violente, militaires ou terroristes, plutôt qu’aux défenseurs de la stabilité et de la démocratie.