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Le blog de Paul Quilès

Réflexions et informations sur la paix et le désarmement nucléaire, sur la démocratie et sur l'actualité politique.

Géorgie- Russie : un test pour l’Europe

Publié le 19 Août 2008 par Paul Quilès in International et défense

Cet article  de Paul Quilès a été publié par Le Figaro du 19 août 2008 sous le titre "La guerre du Caucase, un test pour l'Europe"
 

            Comme souvent dans les conflits entre Etats, il est difficile de dire qui a commencé et quand cela a commencé ! Sans remonter aux Mongols et au Moyen âge pour essayer de  comprendre les origines de l’affrontement entre Russie et Géorgie à propos de l’Ossétie, on voit bien que la décision de Staline de la séparer en 2 entités, l’une rattachée à la Russie, l’autre à la Géorgie, pèse encore de tout son poids.

            Celui-ci pensait alors contrer de la sorte les « tentations nationalistes » des peuples composant l’URSS. De fait, ces tentations n’ont pas disparu et, dans un contexte pourtant différent, les réflexes reviennent, attisés par les convoitises et les visées géo stratégiques des parties en présence:

            - réflexe de domination « impériale », hérité des Soviétiques, pour une Russie qui utilise les mouvements sécessionnistes (Abhkazie, Ossétie) afin d’essayer de garder pied dans le Caucase, une région où elle a perdu des positions depuis 1991.

            - réflexe de « guerre froide », pour un dirigeant géorgien voulant forcer la main aux « Occidentaux »….en réalité aux Américains, engagés depuis plusieurs années dans un processus d’encerclement de la Russie, par le biais de l’élargissement de l’OTAN.

            A ces paramètres s’ajoute la forte odeur de pétrole (et de gaz) qui imprègne les relations internationales dans cette partie du monde et qui conditionne les stratégies de la plupart des intervenants.

            D’autres conflits sont encore possibles dans cette région. On pense notamment à l’Abkhazie, où stationnent 3000 soldats russes et qui présente un intérêt stratégique important pour la Russie. Comment faire alors pour stopper ces enchaînements, qui risquent de conduire, de façon presque inéluctable, à des conflits meurtriers et contagieux ?

            On voit bien que les Etats-Unis sont empêtrés dans des contradictions insoutenables, compte tenu de leurs interventions militaires, notamment en Irak et qu’ils auront du mal à se présenter en médiateurs acceptables, d’autant qu’ils n’ont pas su (ou voulu) calmer les ardeurs provocatrices du président géorgien.

            Une fois de plus, compte tenu de sa composition et de ses modes de fonctionnement, le Conseil de sécurité de l’ONU restera impuissant.

            Quant à l’Union européenne, présidée actuellement par la France, que peut-elle apporter aujourd’hui de concret pour contribuer à résoudre le conflit? Le retour annoncé par N. Sarkozy de notre pays dans l’organisation militaire intégrée de l’OTAN a été compris comme un alignement sur les thèses de l’administration Bush et ne met donc pas l’Union dans une situation favorable pour une médiation efficace.

            Et pourtant, devant ce type de conflits aux frontières de l’Europe, l’Union devrait être en mesure d’aller au-delà des gesticulations diplomatiques probablement sans lendemain. Il ne suffit pas d’éprouver de la répulsion face à la brutalité du pouvoir russe et de l’agacement devant le caractère autoritaire et provocateur du président géorgien. Si elle veut compter vraiment, l’Union européenne devra à la fois :

·       manifester clairement son autonomie par rapport aux Etats- Unis dans l’appréciation des conflits internationaux ;

·       montrer sa cohérence et sa fermeté dans les réponses qu’elle propose d’apporter aux dossiers mettant en cause la paix et la sécurité ;

·       réaffirmer et prouver sa volonté de construire une défense européenne crédible, qui ne se confonde pas avec un appendice de l’OTAN ;

·       montrer sa capacité à traiter avec la Russie tant sur le plan politique que sur le plan commercial. En particulier, il ne sert à rien de feindre d’ignorer que la Russie détient d’énormes réserves d’hydrocarbures et qu’il existe une relation d’interdépendance objective entre celle-ci et les pays européens[1]. La conclusion d’un partenariat énergétique formalisé entre l’Union européenne et la Russie[2] pourrait prendre acte de cette interdépendance, ce qui ne signifie naturellement pas qu’il faudrait alors tout accepter de la Russie, mais cela permettrait certainement d’améliorer le dialogue. 

            C’est à ces conditions, me semble-t-il, que l’Union européenne pourra jouer un véritable rôle sur le plan international, qui consacrera son statut, encore incertain, de puissance régionale.


[1]  75% des recettes d’exportation d’énergie russe proviennent de l’Union européenne ; celle-ci dépend à 50% de la Russie pour son approvisionnement en gaz et en pétrole.

[2] Voir mes propositions dans le livre « la guerre de l’énergie n’est pas une fatalité »  (rapport 3468 de la mission d’information parlementaire de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale, publié en novembre 2006)

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