Il y a 43 ans, la photo de la petite Vietnamienne de 9 ans, Kim Phuc, fuyant le bombardement au napalm d’un avion américain qui l’a gravement brûlée et a failli lui coûter la vie, a ému le monde entier. C’était le 8 juin 1972. Malheureusement, la guerre du Vietnam durera encore 3 ans et fera beaucoup d’autres victimes.
La photo du petit Syrien échoué sur une plage turque il y a quelques jours est effectivement terrible et il est heureux qu’elle suscite de l’émotion et de l’indignation. Passons sur la polémique (inintéressante) autour de la question de l’opportunité de sa publication, pour réfléchir à la facheuse impression donnée par le soudain fracas médiatico-politique que l'on vient de découvrir le drame de ces réfugiés.
Cela fait des mois, et même des années, que l’on sait que, par dizaines de milliers, des hommes, des femmes et des enfants fuient l’horreur des massacres qui ensanglantent la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan, la Libye et tant d’autres pays. Et, contrairement à une facilité de vocabulaire qui autorise à faire des sondages approximatifs qui se nourrissent de la peur de l’immigration (et qui la renforcent !), il ne s’agit pas de "migrants", mais bien, pour la plupart d’entre eux, de " réfugiés " à la recherche d’un asile, comme il y en a eu tant dans l’Histoire.
Qu’on se souvienne par exemple de l’accueil par la France de 140 000 Arméniens dans les années 1920 ou encore de la "Retirada", l'exode des réfugiés espagnols, lorsque, à partir de février 1939, plus de 450 000 Républicains franchirent la frontière franco-espagnole à la suite de la chute de la Seconde République espagnole, écrasée par le général Franco.
Il est un peu triste que l’émotion médiatique semble être la seule façon de "réveiller les consciences", comme on l'entend dire depuis quelques jours. Ce réveil ne doit pas seulement concerner les solutions à apporter à des situations effectivement dramatiques. Il doit aussi amener les responsables politiques en France, en Europe et même à l’ONU à s'attaquer rapidement aux causes profondes de ces drames. Sinon, il faudra bientôt recommencer lorsque d’autres photos décriront d’autres drames épouvantables, comme ceux des milliers de suppliciés, victimes des dictatures et des groupes terroristes, qui, chaque jour, tuent, violent, torturent, massacrent, en toute impunité. Qu'on songe par exemple aux 276 adolescentes enlevées par Boko Haram au Nigéria il y a 500 jours et dont la situation tragique fait moins la Une des médias.
En attendant, si la pression des associations et des mouvements citoyens fait bouger les décideurs politiques, le petit Aylan ne sera pas mort pour rien !