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Le blog de Paul Quilès

Réflexions et informations sur la paix et le désarmement nucléaire, sur la démocratie et sur l'actualité politique.

La réponse au défi de l’EI ne peut qu’être politique

Publié le 29 Septembre 2014 par Paul Quilès in International et défense

Tribune de Paul Quilès publiée dans l'Humanité du 30 septembre

 

       Ce qui se passe avec le pseudo Etat prétendument islamique est préoccupant. L’EI, qui a usurpé les habits de la religion, dispose de beaucoup d’argent, d’un armement important, d’une base géographique à cheval sur 2 pays, de soutiens locaux, d’effectifs provenant de plusieurs pays occidentaux. Il s’est rapidement développé, en tirant profit du sectarisme du précédent gouvernement irakien et des nombreuses erreurs commises par les Occidentaux dans cette région, notamment celles des Etats- Unis depuis 10 ans.

 

          Ce groupe se nourrit des multiples tensions qui traversent la région :

 

      - Le dessin des frontières, résultat d’un partage de la région entre la France et la Grande Bretagne datant de 1923, portait les germes de conflits futurs, en raison notamment du refus de la Turquie de reconnaître la minorité kurde.

      - Les sociétés du Liban, de la Syrie et de l’Irak sont marquées par une fragmentation entre des identités multiples, religieuses, ethniques ou tribales.

     - Les ambitions de l’Arabie Saoudite sunnite, alliée indéfectible de l’Occident, malgré son régime obscurantiste et répressif, se heurtent à celles de l’Iran chiite, qui aspire à prendre l’ascendant sur le monde musulman en proposant son modèle de république islamique.

      - L’influence de l’Iran s’étend au Liban en raison du poids du Hezbollah chiite, à la Syrie dominée par la minorité alaouite, proche du chiisme et à l’Irak majoritairement chiite.

      - Dans le camp sunnite, le leadership de l’Arabie saoudite est contesté par ceux qui réclament à la fois des élections libres et l’application de la loi islamique : le Qatar (malgré son régime autoritaire), la Turquie, mais aussi le mouvement des Frères musulmans.     

 

      L’apparition de l’EI est donc le produit d’une accumulation de tensions et de conflits non résolus. Dans cet imbroglio, la tentation est de limiter le débat public à des simplifications extrêmes, pouvant donner lieu à de la démagogie ou à des manipulations.

 

      Ainsi, vouloir arrêter la progression de l’EI et favoriser le rétablissement de l’autorité du gouvernement irakien, est légitime, mais l’idée que l’on pourra « éradiquer » militairement cette organisation « barbare » est une idée fausse.

 

      La réponse au défi de l’EI ne peut qu’être politique. Elle doit être recherchée par une nouvelle conférence internationale, moins dominée par la seule puissance américaine et clairement placée sous l’autorité de l’ONU. La fin du régime d’El-Assad serait un facteur déterminant dans la défaite de l’EI, mais ce serait une illusion de croire qu’elle ne pourra être obtenue que par des moyens militaires. La poursuite indéfinie de la guerre civile nourrit l’extrémisme.

 

      Il faut donc, sur la base des acquis des conférences de Genève, reprendre les négociations sans préalable entre toutes les forces syriennes (à l’exception des mouvements terroristes) et avec la participation de toutes les puissances intéressées, en vue d’un partage du pouvoir, conforté par de nouvelles élections sous contrôle international. La stabilisation durable de la Syrie, de l’Irak et sans doute du Liban ne pourra pas être acquise sans une réintégration progressive de l’Iran dans le jeu diplomatique, ce qui suppose un règlement négocié du litige nucléaire.

.

      En attendant, des questions se posent à propos de l’engagement de la France. Aura-t-elle la maîtrise des buts de cette opération pilotée par les Etats-Unis ? Son action aura-t-elle toute la portée politique souhaitable, en particulier si elle est associée à des campagnes de bombardement plus intenses frappant des populations sunnites ? En tout cas, notre pays doit avoir la sagesse d’exclure toute intervention en Syrie en l’absence de mandat international.

La réponse au défi de l’EI ne peut qu’être politique
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C
Aujourd'hui, sous la présidence de François Hollande, comme hier, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la politique étrangère de la France me désespère.<br /> Déjà commencer par seulement, et déjà, essayer de ne pas nuire, avant que de se prendre pour le sauveur du bien contre le mal, le sauveur de la démocratie, des droits de l'homme ou de la liberté immuable, voire de l'humanité ou même du monde, me semblerait beaucoup plus judicieux, surtout de la part d'un président s'étant présenté comme un président normal
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J
je rectifie:<br /> &quot;Sujet ô combien complexe.&quot;<br /> Jean
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J
Analyse très intéressante.<br /> Sujet au combien complexe.<br /> Amicalement.<br /> Jean
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D
Je partage tout à fait ton analyse. Les problèmes remontent du partage de l'empire Otoman entre la Grande-Bretagne et la France, mais les tribus et les religieux sont toujours, hélas. Pas de démocratie mais ne transposeront pas notre modèle occidental.Ou est donc la solution, certainement pas avec des bombes.
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P
Oui, une accumulation de gaffes et d'interventions malheureuses du monde occidental. Que dirions-nous si l'on avait dessiné nos frontières lors d'accords imposés de l'extérieur ? Si l'on nous avait pris pour les initiateurs du 11 septembre au point de causer, directement ou indirectement dans notre pays, 30 fois plus de morts que cet horrible événement ? Si l'on avait monté nos tendances régionales et nos diversités religieuses les unes contre les autres sans retenue aucune ? Comme vous le soulignez, les interventions militaires, aussi ciblées soient-elles en principe, ne peuvent qu’alimenter la haine de l’Occident riche et la frustration d’un monde musulman dont j’ai pu mesurer l’étendue en coopération et en missions humanitaires. Se laisser piéger par les images de décapitation au point de n’apporter qu’une réponse armée serait une aubaine pour ceux qui veulent en découdre au nom d’une religion elle-même prise en otage.
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