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Le blog de Paul Quilès

Réflexions et informations sur la paix et le désarmement nucléaire, sur la démocratie et sur l'actualité politique.

Primaires à gauche : lever les ambigüités

Publié le 27 Août 2009 par Paul Quilès in Politique française

Cette tribune, que j'ai co-signée avec Marie-Noëlle Lienemann,
a été publiée par le site MEDIAPART

aujourd'hui (27/8/2009) 

 

             La « pétition des 100 » du club Terra Nova commence bien, avec cette interpellation[1] : « Nous appelons à une primaire populaire ouverte aux citoyens de gauche… ».

            Mais, très vite, le malaise s’installe. Dans la liste hétéroclite des signataires, on  trouve, entre autres, Jean Peyrelevade, vice-président du Modem, les principaux soutiens socialistes à la ligne d’alliance du PS avec le centre…..mais aussi des responsables socialistes, qui faisaient pourtant partie des deux tiers de militants du congrès de Reims opposés à cette alliance ! Si de nouvelles formes de démocratie doivent être inventées, elles ne sauraient se substituer à des délibérations collectives organisées. Chacun se souvient que ce débat est d’une importance capitale dans l’histoire de la gauche française. On sait par exemple ce qu’il en est advenu de l’idée que la « démocratie à la base » devait se substituer à la « démocratie bourgeoise »!

            Alors, soyons clairs, ce débat sur les primaires ne doit pas être l’occasion de faire passer par la « petite porte » un accord politique avec le Modem -nouvelle mouture de la vieille lune de la « troisième voie »-, qui se révèlerait doublement  inefficace :

- en empêchant l’unité de toute la gauche, ou au moins de toute la gauche prête à gouverner ;

- en réduisant les ambitions à quelques références, à des valeurs « communes » qualifiées de « progressistes » et dont on ne sait qui les définirait.

            Le malaise s’accroît, lorsque l’on essaie de comprendre ce qui est proposé. S’agit-il de désigner le candidat du PS ou un candidat du « centre gauche » ou un candidat du rassemblement de la gauche et des écologistes ? Tout au long du texte et des déclarations qui l’accompagnent, la confusion est entretenue et, comme on n’aperçoit nulle part de volonté d’associer l’ensemble des forces politiques à une démarche commune, large et globale, on en déduit qu’il s’agit de désigner le candidat socialiste. Les partenaires du PS, invités à se rallier et placés en position subalterne, ne pourront que refuser cette démarche méprisante. Au passage, cela arrangerait bien les tenants de l’alliance au centre…… et, sans doute, Nicolas Sarkozy!

            Le chemin vers une candidature unique de la gauche et des écologistes, qui est la seule stratégie susceptible de permettre la victoire de la gauche en 2012, passe par la définition d’un cadre commun, qui ne saurait se limiter à l’organisation de primaires.  Il faut un accord global pour une majorité alternative (et pas seulement un président), sur la base d’un projet, puis d’un programme. C’est cela l’urgence. Toute prise de position préalable du PS qui ne chercherait pas à être partagée et établie en commun avec ses partenaires serait une grave erreur et conduirait à l’échec.

            Pour sortir de l’ambigüité, il faut dire clairement:

1- que les primaires ont vocation à désigner un candidat unique de la gauche et des écologistes ;

2 –qu’elles doivent être préparées dans un cadre unitaire, à l’issue d’une démarche globale, qui aura permis de jeter les bases, en commun, d’un accord de gouvernement et d’un programme.

            Notons que la préparation du programme doit faire appel à un processus aussi participatif que le choix du candidat, sauf à définitivement basculer dans le présidentialisme, en confortant la logique dévastatrice de la 5ème République. Comment comprendre à cet égard que les promoteurs d’une 6ème République parlementaire semblent faire de la désignation du président l’alpha et l’oméga du renouveau de la gauche ?

            Prenons garde, à travers ce choix de ne pas accélérer une évolution « à l’américaine » de nos institutions. Outre le fait que les traditions politiques américaines sont très éloignées de notre culture politique, elles ne sont pas cohérentes avec les idéaux de la gauche, qui privilégient le collectif et ne croient pas en l’homme providentiel ! Partir tête baissée dans cette direction, c’est faire la même erreur qu’au moment de la décision de passer au quinquennat et d’inverser le calendrier électoral, décision alors plébiscitée dans les sondages, mais peu soutenue dans les urnes et dont on voit aujourd’hui les nocives dérives !

            Les signataires de la pétition ont bien senti que l’on ne saurait éluder le fond, puisqu’ils indiquent : « Le périmètre de la primaire ne pourra être arrêté qu’à l’issue d’un travail préalable sur le fond, permettant d’élaborer des fondamentaux idéologiques communs. Mais le principe doit être arrêté dés maintenant, sereinement et non dans l’urgence pré- électorale ».

            Cette idée – la recherche de « fondamentaux idéologiques communs »-  ne nous semble pas bonne. En effet, elle risque de conduire à se limiter à des formules creuses sur les valeurs, sorte de « fourre tout », que certains, même à droite, pourraient accepter ! Ou alors, il s’agira de tenter d’unir largement toute la palette idéologique de la gauche derrière une forme de pensée unique. Mission quasiment impossible, compte tenu de la diversité des courants culturels qui s’expriment dans la gauche française (communiste, écologiste, social-démocrate, altermondialiste, libertaire, chrétien de gauche, républicains sociaux, …), peu enclins à noyer leur identité idéologique dans un discours minimal, qui risque, de plus, de ne pas être clivant avec la droite.

            En revanche, ils peuvent s’unir autour d’objectifs de transformation sociale concrets et actuels, fondés sur des valeurs communes.  C’est à ce travail que doivent être conviées une large part des forces vives de la gauche et de l’écologie, tant dans le monde associatif, les ONG, les clubs, les syndicats, parce qu’ils s’intéressent d’abord aux propositions et aux changements effectifs qui doivent être engagés, avant de se préoccuper de la personnalité qui l’incarnera.

            C’est avec cette, préoccupation que nous avons proposé de constituer un Nouveau Front Populaire qui associe, à la démarche de définition d’un programme et de désignation du candidat, non seulement les partis mais aussi les nombreux  citoyens engagés dans différentes organisations militantes et de réflexion et qui ne se reconnaissent plus dans le paysage partisan actuel. Ils ne conçoivent pas la politique comme un « zapping électoral » et veulent être acteurs de choix politiques précis ; pour eux, le projet de la gauche doit se construire « tous ensemble ».

            L’appel que nous avons lancé en ce sens il y a 6 mois (« Gauche 2012 : le logiciel de la victoire ») et qui a rassemblé 900 signatures de militants, d’élus et de responsables issus des diverses sensibilités de la gauche, nous semble toujours pertinent. Il propose un calendrier comportant 6 phases:
-  1ère phase (été 2009). Décision de mettre en place un Comité de préparation des « Etats Généraux de la gauche ».

-  2ème phase (2ème semestre 2009).  Travaux du Comité de préparation : 

               * fixation des objectifs des Etats Généraux, du mode de débat, de la date et du fonctionnement des Etats généraux

               * rédaction de textes introductifs et choix des enjeux prioritaires à débattre.

- 3ème phase (décembre 2009 - janvier 2010). Préparation des Etats généraux nationaux par des rencontres décentralisées

-  4ème phase (juin 2010, après les élections régionales). Etats Généraux : vote du projet en vue de la préparation d’un accord de gouvernement, détermination du mode de fonctionnement des primaires (auxquelles participeront les militants et adhérents de toutes les organisations ayant accepté le projet).

-  5ème phase (2ème semestre 2010). Mise en place d’un comité unitaire de préparation des primaires et arrêtant les grandes lignes d’un programme ; établissement de la liste des votants ; campagne des candidats se présentant aux primaires.

-  6ème phase (début 2011). Primaires.

 

            Ce dont la France a besoin, ce n’est pas seulement d’une alternance, mais aussi d’une politique alternative à la logique dominante. Sans l’unité de toute la gauche, pas de victoire possible ; sans « rupture », pas de mobilisation du peuple de gauche, des employés, du monde du travail, qui risquent fort de bouder ces primaires ». C’est par une nouvelle dynamique unitaire que deviendra possible la reconquête des couches populaires. Cette tâche est certainement plus prioritaire que la méthode de désignation du candidat, pour rénover la gauche et assurer sa victoire en 2012.

 


[1] Ainsi que cela est rappelé en première page de Libération (26/9/2009)

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