Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Paul Quilès

Réflexions et informations sur la paix et le désarmement nucléaire, sur la démocratie et sur l'actualité politique.

Rejet de la loi Hadopi: où étaient les 541 députés absents?

Publié le 14 Avril 2009 par Paul Quilès in Politique française

En 3 jours, en plein week-end pascal, près de 30 000 personnes se sont connectées sur le site Rue 89 pour lire et commenter ma tribune sur l’absentéisme parlementaire et la nécessité du « mandat unique ». (texte ci-dessous)

     Je ne pensais pas que le thème de la revalorisation du Parlement intéressait autant nos concitoyens. On les disait un peu blasés et même indifférents devant les dysfonctionnements de nos institutions et voici qu’ils s’indignent de voir que l’hémicycle est déserté par les députés au moment des grands débats.

     J’ai eu l’occasion à de multiples reprises de dénoncer cet état de fait, qui nuit à la démocratie et je me réjouis de voir que mon point de vue est partagé par de nombreux internautes…..en attendant qu’il le soit par les décideurs politiques !

                                      **************************

         "Les commentaires vont bon train à propos du résultat du vote des députés sur la loi Hadopi : 15 voix pour, 21 voix contre ! Coup de théâtre, manœuvre, défaite de la majorité, victoire de l’opposition, claque pour le Président de la République…. Tous ces jugements peuvent sembler dérisoires, si on rapporte l’ « évènement » au nombre ridicule de députés qui ont participé au vote : 36, soit 6,2 % de la « représentation nationale » !

          Alors que ce thème du piratage sur Internet passionne l’opinion publique, qu’il mobilise les débats dans les médias et sur le Web……541 députés ont préféré vaquer à d’autres occupations, probablement plus importantes à leurs yeux. Où étaient donc hier ces 541 députés ? La réponse à cette question serait instructive et ferait certainement apparaître le peu de considération qu’ont les parlementaires eux-mêmes pour les tâches essentielles de leur fonction.

          Le même spectacle avait été donné par l’Assemblée Nationale, le 14 janvier dernier, lorsque le débat  sur l'intervention israélienne à Gaza s'était déroulé en présence d’une quarantaine de députés! Le monde entier s'inquiétait de ces affrontements sanglants, que toutes les télévisions nous montraient presqu'en permanence; des manifestations se déroulaient partout, y compris en France; l'ONU et les grandes puissances s'efforçaient de trouver une issue à ce terrible conflit qui embrasait le Proche Orient; on s'inquiétait de la montée des passions et des risques de "contagion" dans notre pays......et voici que 500 députés au moins avaient  considéré qu'ils avaient plus urgent et plus important à faire que d'être présents à ce débat!       

     Cet état de fait, qui nuit à la crédibilité du Parlement,  est la preuve évidente que l’institution parlementaire elle-même a reconnu sa propre faiblesse et qu’elle s’en accommode. Depuis des années, j'ai montré* que le Parlement resterait une chambre d'enregistrement -quelles que soient les mini réformes engagées- tant que les parlementaires eux mêmes n'auront pas une conception plus exigeante de leur fonction, en y consacrant plus de temps et en utilisant totalement les prérogatives, même mineures, qui sont les leurs.

      Chacun le sait, la cause principale de l’affaiblissement du Parlement est le cumul des mandats. Cette « particularité » française s’est accentuée sous la Vème République : en 1936, environ 33% des députés exerçaient un mandat local ; sous la IVème République, ce chiffre est monté à 40% ; il a dépassé aujourd’hui 90% ! Malgré quelques modestes limitations apportées aux plus gros cumuls depuis une vingtaine d’années, la situation actuelle demeure difficilement défendable dans une démocratie digne de ce nom.

      Dommage que trop d’intérêts communs aux députés et aux sénateurs, de droite comme de gauche, empêchent que ce vrai débat ait lieu. Si l’on veut vraiment (pas seulement dans les discours et les motions de congrès !) revaloriser le travail et la fonction des parlementaires, si l'on veut donner plus de poids au Parlement, la seule voie efficace est celle du « mandat unique », rendant impossible le cumul entre mandat national et mandat local.  C’est ainsi que l’on mettra fin au discrédit que le Parlement s'inflige ainsi à lui- même.

          J'attends avec impatience que les médias, à défaut des partis politiques, se saisissent sérieusement de cette question, essentielle pour redonner plus de poids au Parlement, afin qu’il soit à la fois "la voix de la France" et cet outil, irremplaçable dans une vraie démocratie, de contrôle de l'exécutif et de ses risques de dérive."
                                                              Paul Quilès
 

* Dès 2001, j’ai dénoncé cette situation et fait des propositions dans mon livre, écrit avec Ivan Levaï : « les 577, des députés pour quoi faire ? » (Stock)

Commenter cet article
M
Je partage pleinement ton analyse sur le rejet de la loi Hadopi et le lien que tu établis avec la question du cumul des mandats. Si c’est peut-être une victoire de la gauche, c’est certainement une défaite pour l’image du Parlement et le fonctionnement souhaitable d’une démocratie représentative, une nouvelle mise en évidence d’un « malaise dans la représentation » qu’il serait temps de penser au lieu de le laisser se développer. Une meilleure représentation passe nécessairement par une meilleure représentativité et un meilleur exercice de la fonction pour laquelle on a été désigné. Le « cumuler plus » largement pratiqué mène à l’absence tantôt ici, tantôt là et au report de la charge de travail - officiellement toujours assumée et bien sûr rémunérée- sur des épaules plus « clandestines ». Le « sens du réel », « le contact avec le terrain », si souvent évoqués de manière sophistique pour justifier la nécessité d’un mandat local s’ajoutant au mandat national occultent le fait que c’est en ne cumulant pas qu’on travaille sérieusement sur le réel, que cela se fait ainsi dans bien d’autres démocraties comme cela a été aussi le cas dans le passé plus largement en France : en 1936, 33% des députés exerçaient un mandat local…Constat d’une régression et non d’ un monde...de retard !<br /> Une meilleure représentativité de la population, un exercice véritable, en responsabilité propre -et non déléguée- de la représentation passeront par la limitation des cumuls( ce qui bien évidemment ne vaut pas seulement pour le cas des députés...) <br /> <br /> C’est aussi pour améliorer la représentativité que la parité a été pensée. Une contrainte difficilement contournable « pragmatiquement » pour compenser un « léger » décalage entre les représentants des deux sexes. Le moins que l’on puisse dire est, en effet, que de l’égalité formelle à l’égalité réelle le chemin est encore long : si les femmes représentent 52,5% de l’électorat, le chiffre baisse de façon vertigineuse quand on passe aux élues : 18,5% des députés, 16,9% des sénateurs. Toujours le "malaise dans la représentation" et pour le combattre, rien ne devrait être monnayé ! <br /> Un parti peut faire le choix de privilégier des candidatures féminines ou celui de payer des indemnités pour non-respect de la parité, il peut faire le choix de réserver un sort égal aux femmes ( en veillant par exemple- par principe non discutable - à leur accorder autant de têtes de liste qu’aux hommes) ou celui, au contraire, de retarder une nouvelle fois et à toujours plus tard un progrès pour l’égalité qui pourrait/devrait se faire ici et maintenant. <br /> Ces choix sont des actes politiques qui conditionnent la crédibilité de ses propos sur ces sujets. <br /> Pour le combat contre les inégalités hommes-femmes, pour le combat contre les pathologies institutionnelles de notre démocratie, il faut- pour être crédible- être non pas « croyant mais non pratiquant » mais « rationnellement » convaincu et agissant.
Répondre
D
Merci Monsieur Quilès!<br /> Merci de pointer du doigt ce drame des inutiles de la république, où les intérêts particuliers effacent ceux de la nation, au mépris des définitions même de démocratie et république.<br /> Comme vous, j'aime ce pays qui m'a vu naitre et m'a nourri. Comme beaucoup hélas, je me détache de cette "res publica", cette vie politique déconnectée des réalités.<br /> Faudra t'il une météorite politique pour en finir avec ces dinosaures et faire place à une espèce politique plus courageuse?
Répondre