On nous dit que la
« déclaration de principes » du PS est sa « carte d’identité », qui permettrait, à travers quelques phrases, de définir sa compréhension du monde, ses objectifs pour le
changer et les valeurs qui justifient que des hommes et des femmes rejoignent son combat. Dans ce cas, fallait-il la réécrire et, si oui, comment fallait-il le
faire ?
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Depuis l’époque de la rédaction de l’actuelle déclaration de principes (1990), alors que l’on tentait d’imaginer les conséquences de la chute du mur de Berlin, le monde a certes bougé : des bouleversements considérables ont affecté et affectent la planète, le capitalisme mondialisé subit une crise profonde, les socialistes français et la gauche ont vécu plusieurs expériences (échecs électoraux, cohabitation, exercice du pouvoir, opposition…). Autant d’évènements et d’évolutions qui justifient une réflexion en profondeur et probablement des ajustements. Mais alors, pourquoi ne pas procéder de façon plus transparente, plus démocratique et, finalement, plus efficace ?
En effet, la méthode suivie laisse perplexe plus d’un militant socialiste, comme j’ai pu le constater au cours des réunions auxquelles j’ai participé. Le nouveau texte proposé au vote des socialistes dans quelques jours serait, nous dit-on, le fruit d’un « consensus » entre les responsables des courants.
- Dois-je rappeler que les courants, appelés désormais pudiquement « sensibilités », se définissent au moment des congrès, par le vote sur des motions d’orientation ? Quelle est aujourd’hui la réalité de courants qui sont en train de se défaire et de se recomposer, en préparation du prochain congrès ? Quelle est la légitimité de ces responsables des anciens courants, qui ne manifestent pas -c’est le moins qu’on puisse dire !- une grande continuité dans leurs convictions et leurs projets ? Un jour on affiche haut et fort l’objectif de la 6ème République, un autre jour on recherche un « compromis historique » avec les défenseurs de la monarchie républicaine ; un jour on promet de lutter impitoyablement contre le cumul des mandats, un autre jour on « oublie » de s’appliquer à soi même cette exigence !
- Quant au terme de « consensus », mot nouveau dans le fonctionnement du PS, qui est normalement régi par la règle de la majorité, on voit bien qu’il a été utilisé pour empêcher tout débat. Les choses sont claires : « seules les propositions qui auront fait l’objet d’un travail collectif en vue de trouver un consensus au sein de la fédération pourront être transmises » (l’Hebdo des socialistes-26 avril 2008). En d’autres temps, le Parti socialiste dénonçait le « centralisme démocratique »….des autres partis, où les militants n’avaient comme seul rôle que d’avaliser les décisions des dirigeants !
Il est d’ailleurs surprenant que ces mêmes dirigeants, qui ont inscrit à l’article 21 de la nouvelle déclaration de principes la
nécessité de respecter les règles et les statuts du PS et qui ne se privent pas de les invoquer pour condamner et exclure, aient accepté de délibérément
les violer. En effet, pour réviser la « carte d’identité » du Parti socialiste, les statuts prévoient (article 14) une procédure étalée sur 2 congrès qui permet de se donner du
temps pour consulter les militants. De plus, il est bien indiqué qu’il faut clairement préciser « les points susceptibles d’être modifiés ». Comment se fait-il alors que le texte actuel , dont je vous recommande la lecture, n’ait pas été diffusé, avec la mention des
sujets qui feraient problème ? Il ne suffit pas de dire….ou de laisser dire qu’il s’agirait d’un texte archaïque ou « démodé » pour en justifier l’abandon. Quels sont les
formulations ou les concepts qui sont décalés ou insuffisants dans le texte actuel?
Prenons quelques exemples.
Ce texte donne-t-il le sentiment que les socialistes ont peur du marché (lequel ?) ou de la concurrence ? A-t-il tort de citer explicitement la laïcité de
l’école, exprimant ainsi l’engagement prioritaire des socialistes pour le rayonnement et l’efficacité de l’école laïque, école de la République ? Devrions-nous nous affirmer
comme libéraux ? L’ «Europe sociale» serait-elle devenue un simple slogan de campagne ? L’expression « le réformisme au service des espérances révolutionnaires » (article
1 du texte actuel) est-elle un gros mot, qu’il convient de faire disparaître pour ne pas effaroucher les électeurs modérés ? On aurait pu à ce sujet réfléchir au sens que donnait Jaurès à la
réforme, qui devait permettre ce qu’il appelait, dans une formule paradoxale mais forte, l’«évolution révolutionnaire». Pour Jaurès –que j’ai la faiblesse, comme Gilles Candar, de préférer à Clémenceau-, « les réformes ne sont pas seulement des
adoucissants : elles sont, elles doivent être des préparations. Ainsi, (…), elles prennent un caractère et une efficacité révolutionnaire ».
Ce texte n’est donc pas acceptable. Non seulement parce que, on l’a vu, il a
été élaboré dans des conditions critiquables, en contradiction avec nos règles et en tenant à l’écart les militants, appelés à le ratifier par une sorte de plébiscite, mais aussi parce qu’il
traite des débats de fond de façon trop sommaire.
Finalement, ce texte vient trop tard ou trop tôt.
- Trop tard : On nous dit que c’est l’échec de 2007 qui rendrait nécessaire la réécriture de la déclaration de principes. Mais alors, pourquoi n’a-t-on rien fait depuis l’échec précédent, celui de la présidentielle de 2002, qui avait causé un véritable traumatisme au PS et à la gauche ?
- Trop tôt : Si l’objectif est de réfléchir en profondeur aux raisons de ces échecs et de préciser les nouveaux fondements du projet, de la stratégie et du fonctionnement du PS, il faut se donner du temps. On ne peut pas « évacuer » des questions aussi essentielles que la réponse au capitalisme globalisé par des formules qui se veulent habiles, mais qui ne sont pas dénuées d’ambiguïté, comme le « réformisme de transformation sociale radicale ».
Ce temps à prendre est celui de la préparation du congrès. Plutôt que de se passionner pour l’« écurie » la plus prometteuse, de vivre au rythme fou et trompeur des sondages, d’inventer des clivages sur le dernier mot à la mode venu enrichir la langue socialiste ou sur la dernière petite phrase à la « une » des médias, parlons sérieusement :
- de la modernité de la gauche et des réponses qu’elles propose à la véritable crise de civilisation qui se dessine ;
- de notre fidélité aux valeurs qui distinguent clairement la gauche de la droite ;
- de notre devoir d’opposition, face à une droite décomplexée ;
- de notre stratégie pour accéder au pouvoir, en contribuant au nécessaire rassemblement de la gauche, qui ne peut se confondre avec l’appel illusoire lancé à « tous ceux qui partagent ses valeurs » à rejoindre le PS (article 22 de la nouvelle déclaration de principes).
Alors, peut-être, si le prochain congrès s’intéresse à ces sujets, sans se concentrer sur des combats incertains, si les militants font entendre leur voix dans de vrais débats, sans se laisser enfermer –comme on le leur propose trop souvent- dans des votes automatiques, si les courants issus des motions jouent leur rôle sans se contenter de répartir les postes….alors le Congrès de Reims marquera l’histoire du Parti socialiste. Il ouvrira, pour la Gauche, la voie de l’espérance.