Je viens d’éteindre la télévision, après plusieurs heures passées à écouter le flot des commentaires répétitifs sur fond d’images de commerces saccagés et de voitures incendiées.
Je ne sais pas sur quoi débouchera le mouvement des "Gilets jaunes", qui bouscule les habitudes de la vie politique et sociale de notre pays. Personne ne l’avait vu venir, n’en déplaise à tous ceux qui s’efforcent, avec plus ou moins de bonheur, de le récupérer.
Plutôt que d’épiloguer sans fin sur « ce qu’il faudrait faire » ou « ne pas faire », je préfère dans l’immédiat essayer de comprendre pourquoi ce mouvement s’est développé.
On peut se référer à l’Histoire et évoquer les grandes luttes sociales de l’Ancien Régime, comme l’explique Gérard Noiriel dans ce texte.
On peut aussi analyser la « crise du système politique », comme le fait Gérard Grunberg dans cette tribune.
Pour ma part, j’insisterai sur ce qui me semble être une raison forte du déclenchement de ce mouvement : la perte de crédibilité des corps intermédiaires (partis politiques, élus nationaux et locaux, syndicats, associations), causée par le désintérêt – et parfois le mépris- du pouvoir central à leur égard. Il en est résulté, chez les catégories populaires notamment, le sentiment d’être oubliées et, en tout cas, de ne pas être entendues dans l’expression de leurs attentes et de leurs souffrances.
Cette situation résulte aussi plus fondamentalement du fonctionnement de la Vème République, qui a instauré une mécanique implacable faisant tout remonter au Président de la République :
“Le pouvoir procède directement du peuple, ce qui implique que le chef d’Etat élu par la Nation en soit la source et le détenteur. Il doit être évidemment entendu que l’autorité indivisible de l’Etat est confiée tout entière au Président par le peuple et qu’il n’en existe aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire qui ne soit conférée et maintenue par lui. Il lui appartient d’ajuster le domaine suprême qui lui est propre avec ceux dont il attribue la gestion à d’autres.” (Général de Gaulle- 31 janvier 1964)
Ce caractère quasi-monarchique s’est même trouvé accentué depuis 2002 par la mise en œuvre de la double décision, prise en 2000, d'instaurer le quinquennat et d'inverser le calendrier électoral
Il serait temps de réfléchir à la nécessaire évolution d’un système institutionnel qui a certainement contribué à la révolte des "Gilets jaunes".
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