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Le blog de Paul Quilès

Réflexions et informations sur la paix et le désarmement nucléaire, sur la démocratie et sur l'actualité politique.

A quoi donc servent les primaires ?

Publié le 22 Août 2016 par Paul Quilès in Politique française

A quoi donc servent les primaires ?A quoi donc servent les primaires ?

 

      Les partis de gauche qui ont appelé les électeurs à voter pour François Hollande le 6 mai 2012 le savent bien : compte tenu du climat politique, de la situation économique et sociale et du faible niveau de popularité des candidats potentiels, notamment du Président de la République, la division des candidatures de gauche au premier tour de la présidentielle de 2017 conduirait certainement à un affrontement droite/extrême droite au second tour.

 

      Devant cette perspective peu encourageante et encore plus dangereuse que lors de l’élection de 2002, où le Front national n’était pas aussi puissant qu’aujourd’hui, les partis et leaders de gauche s’efforcent de convaincre que la multiplication des primaires (socialiste, écologiste,…) et des candidatures contribuera à renforcer les chances de la gauche d’accéder au second tour.

 

     Etrange raisonnement, qui tient presque du déni ! Il est facile de comprendre en effet que la concurrence des candidats à ces primaires, dans une atmosphère mêlant les considérations de nature narcissique et la langue de bois, va se traduire par des surenchères qui rendront ridicules et peu crédibles les inévitables ralliements qui interviendront après ces combats de gladiateurs.

 

      Chacun voit bien que la multiplication des candidatures aux primaires  -à gauche comme à droite-, ne provient pas seulement du besoin évident de satisfaction égotique des postulants (qui ne croient pas un instant à leur chance). Elle a aussi son origine dans le calcul des candidats, qui aspirent à se trouver en bonne place pour négocier avec le vainqueur une position de pouvoir ou pour participer à la redistribution des responsabilités politiques après les élections de 2017, puisque, quel que soit le cas de figure, la question du devenir des forces politiques actuelles se posera.

 

      Ces préoccupations, malgré le langage fleuri qui habille les discours, sont peu susceptibles de redonner le goût de la politique à des électeurs inquiets et déçus. Pour ma part, je trouve dans cette ambiance délétère la confirmation de mon analyse du principe des primaires, que j’ai formulée à de nombreuses reprises depuis longtemps (voir ci-après) et des conséquences néfastes que cette compétition entretient.

 

      Pendant ce temps, une question majeure de la vie publique française est totalement occultée : celle du dysfonctionnement des institutions qui fondent notre démocratie. En l’absence d’actes, les promesses incantatoires de réformes, qui n’ont pas manqué depuis des années, ne convainquent plus personne. Et pourtant, il est essentiel de  revenir sur la réforme de 2001 et de procéder à l'élection des députés avant l'élection présidentielle, afin de centrer le débat non plus sur les rivalités de personnes, mais sur une vision politique de l'avenir de la France.

 

      C’est pourquoi, j’ai demandé* il y a 3 mois au Premier secrétaire du Parti socialiste ce qu’il comptait faire pour que cette question soit sérieusement et de façon urgente prise en compte, à commencer par le plus haut niveau, celui du Président de la République, qui, dans le fonctionnement actuel de nos institutions, est le seul à pouvoir œuvrer en ce sens avant la fin du quinquennat.

 

       Las, la réponse se fait attendre. Est-il toujours urgent d'attendre quand la démocratie se dévitalise dangereusement?

 

* Extraits de ma lettre au Premier secrétaire du PS 

 

      « (….) Au-delà des positionnements de tous bords, il y a désormais un constat très largement partagé: la Vème République souffre d'une insuffisance démocratique, qui  est même devenue une entrave à la possibilité de construire un projet commun. Plus que jamais, ses institutions apparaissent comme n’étant plus adaptées au monde dans lequel nous vivons.

 

      Depuis 15 ans, je n'ai cessé d'alerter sur les dérives auxquelles elles ont donné lieu et de proposer des réformes[1] . Je me souviens aussi de ma solitude après le congrès de Grenoble, lorsque je me suis permis de critiquer la mise en place concomitante du quinquennat et de l'inversion du calendrier, une mesure dont je pressentais les conséquences néfastes sur l'équilibre des pouvoirs.

 

      C'est donc avec intérêt que je relève l'une des 50 recommandations du rapport approfondi et argumenté des Secrétaires nationaux. Dans la perspective d'une représentation parlementaire renforcée, la recommandation n°19 propose en effet "de revenir sur la réforme de 2001 et de procéder à l'élection des députés au moins un mois avant l'élection présidentielle."

 

      Je me félicite que cette proposition reprenne celle que je préconise depuis des années. Je note qu’elle est aussi partagée par le groupe de travail co-présidé par Claude Bartolone, Président de l'Assemblée Nationale et Michel Winock, historien. Dans leur rapport n° 3100 de novembre 2015, intitulé "Refaire la démocratie", la commission recommande: "En cas de non-rétablissement du septennat, procéder, a minima, à l'inversion du calendrier électoral afin que les élections législatives aient lieu avant l'élection présidentielle" (proposition n°7).

 

      Il est à cet égard très regrettable que les travaux à l'Assemblée Nationale (première et unique initiative menée par le Parlement lui-même dans l'histoire de la Ve République) soient tombés dans une profonde indifférence politique et médiatique. Il serait également regrettable que le rapport de la commission de notre Parti connaisse le même sort.

 

      Le Parti Socialiste doit se réapproprier cette question des institutions, qui mine la vie politique, afin, comme le suggère le rapport, "d'apparaître comme la première formation politique à être force de propositions concrètes" et attendues par la société civile sensible à l'affaiblissement grave du caractère démocratique de nos institutions. Le temps presse pour que les responsables politiques fassent justement preuve de responsabilité en mettant en œuvre les réformes qui donneront tout son sens à la démocratie. (….) »

 

[1] Voir notamment :

- « La démocratie affaiblie » (octobre 2007) 

- « Quelle souveraineté » (novembre 2011)

- « Redonner tout son sens à la démocratie » (février 2016) 

 

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Rappel de mes prises de position sur les primaires (extraits)

 

  • 30 août 2009 (blog)

     J’entends souvent dire : « il faut vraiment avoir la foi, pour faire de la politique en ce moment!». Il est vrai que ce n’est pas simple de prouver à nos concitoyens que l’action politique a un sens, dans cette démocratie, écrasée par l’hyper médiatisation, par le présidentialisme et par une atmosphère de crise mondiale, qui efface les repères et qui rend l’avenir de plus en plus incertain. Comment ne pas comprendre également qu’ils ne croient plus que les mots, si souvent déformés jusqu’à ne plus rien dire (rupture, changement, démocratie, rassemblement, moralisation….) se traduiront par des actes ? Et ce n’est pas la malheureuse formule d’un responsable socialiste, se proclamant « croyant, mais pas pratiquant », pour expliquer ses reniements, qui leur rendra la foi !

 

     Alors, certains ont trouvé la solution miracle : le recours au peuple, probablement parce que -pour rester dans les références religieuses- la voix du peuple, c’est la voix de Dieu (« vox populi, vox dei ») ? Il se trouve que l’on connaît les limites de la démocratie directe, qui n’aurait pas permis par exemple d’abolir la peine de mort il y a 28 ans ! C’est bien pour cela que l’on a recours à la démocratie représentative, même si elle est très imparfaite et si, dans cette Vème République qui en a détourné le fonctionnement pour en faire une monarchie républicaine, bien des transformations sont nécessaires : mandat parlementaire unique, rééquilibrage des pouvoirs….

 

     Soyons donc prudents devant cette soudaine découverte du rôle du peuple comme remède magique aux doutes des citoyens devant la perte de crédibilité de la politique et des responsables politiques. On nous annonce des objectifs ambitieux : « donner une légitimité aux candidats », « régénérer la démocratie », « revisiter la conception des partis politiques », « redonner le pouvoir aux citoyens ». Chacune de ces formules prometteuses nécessiterait un long débat……mais comment ne pas voir qu’une primaire entre une dizaine de candidats socialistes risquerait d’avoir des effets contraires aux objectifs affichés. Par exemple : la participation au vote d’électeurs venant du bord opposé, la fixation de l’opinion publique sur les aspects médiatiques, largement influencés par des forces extérieures à la gauche, la mise à l’écart des autres organisations de gauche, les affrontements publics sur les aspects programmatiques .…Plus que jamais, le proverbe anglais se justifie : « le diable est dans les détails »  (….) 

 

  • 2 décembre 2010 (tribune MEDIAPART: Primaires : attention, danger)

     (….)   Je n’insisterai pas sur les conséquences de la pression médiatique, qui entretient la compétition et qui conduit parfois certains prétendants à des excès ridicules. Je souhaite plutôt attirer l’attention sur la dévitalisation du PS à laquelle va inéluctablement conduire ce système, puisqu’il doit permettre à de nombreux électeurs non militants de choisir, en même temps que le candidat, un projet, un programme et même des alliances. Dans l’éventail des choix offerts aux électeurs, l’accent sera mis sur les différences et le partage entre les candidats se fera à partir de la médiatisation, elle-même influencée par les sondages. On sera loin de l’élaboration collective et des synthèses nécessaires pour élaborer un programme cohérent et mobilisateur.  (….)  

 

     En se montrant en quelque sorte prisonniers de la présidentialisation de la Vème République, les socialistes affaiblissent leur discours sur la volonté de transformer en profondeur des institutions, dont on observe chaque jour un peu plus la dérive monarchique. (….)

 

  • 11 février 2016  (blog)

     L’appel à organiser des primaires de la gauche en vue de l’élection présidentielle de 2017, lancé le 11 janvier 2016, ne m’avait pas convaincu. Je m’en étais entretenu avec mon ami Rémi Lefebvre, professeur de science politique, chercheur au CNRS et bon connaisseur de notre système institutionnel.

 

     Nous étions convenus qu’il était « contradictoire de dénoncer en même temps le fait du prince qui découle de la présidentialisation et de proposer une procédure qui renforce la présidentialisation. »

 

     En réalité, disions-nous, « les primaires entérinent et accélèrent avant tout une logique de personnalisation et favorisent les postures tactiques. Elles n’ont pas la capacité mécanique de raviver le débat citoyen. Elles renforcent la logique présidentialiste et bi-polarisante de la Ve République. A plus long terme, elles favorisent la dépolitisation, la personnalisation et la dramatisation artificielle de la vie politique. La seule façon de ne pas tomber dans ces travers consiste à appeler préalablement l’ensemble de la gauche à poser comme condition de son soutien à un candidat l’engagement de modifier en profondeur les institutions. »

 

     Tel ne semble pas être le cas. C’est ce que fait remarquer Rémi Lefebvre dans cette excellente tribune publiée aujourd'hui dans Le Monde, que j’approuve totalement et dont je vous invite à prendre connaissance.

 

La primaire à gauche est un leurre (extraits)

 

    Le projet de primaire en dit long sur l’impasse de la gauche, son désarroi actuel et sa désorientation stratégique.  (….)

 

     Les défaites cuisantes aux élections intermédiaires depuis 2012 n’ont en rien contrarié une droitisation de l’exécutif de plus en plus assumée. Pire, la candidature de François Hollande, pourtant largement disqualifiée dans l’opinion, apparaît de plus en plus incontournable pour 2017. Les appels au "vote utile" face au double péril extrémiste et terroriste se font déjà entendre. Le levier de la primaire apparaît comme une réponse à cette impuissance systémique. Atomisée, la gauche en vient à se raccrocher à une procédure qui, sous couvert de déverrouiller la situation, ne peut que renforcer à terme les maux qu’elle dénonce et la présidentialisation mortifère du jeu politique.  (….)    

 

     Depuis 2012, l’image de la primaire a changé. La clôture autistique du jeu politique est plus forte que jamais. Le président de la République, adoubé par trois millions de sympathisants à la primaire, lors de ce scrutin, s’est révélé au pouvoir émancipé de toute tutelle partisane et parlementaire et impose au « peuple de gauche » et à ses partis une politique dans laquelle ils ne se retrouvent pas et qui n’obtient aucun résultat.

 

    La plupart des commentateurs conviennent désormais que cette procédure de désignation contribue à exacerber encore la personnalisation de la politique et l’hystérie présidentialiste du débat public, renforcées par le quinquennat et l’inversion du calendrier présidentiel. En accord avec l’imaginaire providentialiste du régime de la Ve République, la primaire n’est qu’une manière de réguler la concurrence des ambitions personnelles qu’elle légitime et banalise, ce faisant. (…)

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J
Selon les dernières nouvelles...Mme Marisol Touraine serait candidate à l'élection présidentielle.La candidature à l'élection présidentielle semble s'apparenter à une véritable épidémie....voire une pandémie ! Même la ministre de la santé a contracté le virus...C'est inquiétant !
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